Une définition des stéréotypes
Le mot vient de deux termes grecs "stereos" : dur, solide et "typos" : empreinte, modèle. Au XVIIIe siècle, en typographie, il désignait une impression obtenue avec une plaque d’imprimerie et pouvant être reproduite en grand nombre. Au sens figuré, aujourd’hui, il signifie une expression que l’on répète sans l’avoir soumise à un examen critique. Les stéréotypes schématisent des représentations rudimentaires et simplificatrices relativement figées servant à caractériser un objet ou un groupe. Celles-ci sont collectives, préformées, préconçues, relativement uniformes parmi les membres d’un groupe, exprimant un imaginaire social et utilisées de façon quasi automatique et routinière. Ce sont des habitudes de jugement non confirmées par des preuves, que chaque société fournit à ses membres par le biais de la famille, du milieu social, de l’école, des médias.
Deux principales facettes des stéréotypes
Les stéréotypes traversent sans dommage le temps et les générations. Les représentations résistent et sont peu susceptibles de modifications. La proximité historique n’est pas le seul facteur déterminant. Les clichés de l’esclave africain, du nègre, du sauvage, de l’indigène, du paresseux... véhiculent encore aujourd’hui la même image négative qui pourtant remonte à l’époque coloniale.
Ils sont simplificateurs et globalisants, en ignorant les variations. L’image que l’on se fait aujourd’hui d’une personne passe par celle de sa catégorie : il y a un profil type du professeur, du policier... Ils sont sommaires, caricaturaux et schématiques. Ils procèdent d’une standardisation de la différence. õ chaque catégorie est associée une série limitée d’attributs, spécifiques, censés renvoyer à une sorte d’essence, une nature intrinsèque, des dispositions. Les stéréotypes donnent fréquemment une image erronée, non fondée et injuste d’autrui.
Stéréotypes et préjugés : ils se distinguent et se recoupent
Tous deux sont les manifestations d’une mentalité collective qui l’emportent sur les analyses. Ils partagent le caractère d’évaluation d’autrui. Le préjugé est un jugement (positif ou négatif)qui précède l’expérience, un prêt-à-penser consacré, dogmatique, qui acquiert une sorte d’évidence tenant lieu de toute délibération. On peut dire du préjugé qu’il est une position, une attitude, une tendance globale, pour ou contre, favorable ou défavorable vis-à-vis d’une catégorie de personnes et partant envers un individu sur la base de son appartenance réelle ou supposée à ce groupe. Il s’y attache une composante affective. Certes entre eux, il y a une connexion car les stéréotypes peuvent exprimer les préjugés, les rationaliser, les justifier. Il arrive aussi que les stéréotypes engendrent les préjugés, entrent dans la constitution d’une attitude d’exclusion ou d’acceptation de l’autre. Les préjugés sont généralement fondés sur des stéréotypes mais tout stéréotype n’est pas nécessairement un préjugé.
Les stéréotypes naissent de la confrontation de deux groupes et d’elle seule, en dehors des différences culturelles et économiques. Cependant d’autres expériences ont révélé que le conflit ou la compétition n’est pas toujours la condition nécessaire aux attitudes discriminatoires. Ces dernières auraient pour origine une attitude sociale générale tendant à favoriser l’in-group par rapport à l’out-group.
La double fonction des stéréotypes : Les stéréotypes ont une double fonction identitaire et cognitive. Ils concourent à la production de frontières entre ce qui est "nous" et ce qui est "hors nous". La définition de soi est fondée sur la construction d’une différence. Attribuer à autrui un modèle de conduite divergent, voire contraire à celui qu’on partage, permet de se définir en référence à lui : être, c’est être autre. La dévalorisation de l’autre est presque toujours corrélative de la valorisation de son propre groupe.
Stéréotypes et préjugés s’inscrivent dans une tendance spontanée de l’esprit humain à la schématisation qui constitue une tentative pour maîtriser son environnement. "tre en relation, cohabiter, interagir avec d’autres personnes, à plus forte raison dans un environnement qui nous déroute, réveille pour ne pas dire exacerbe en chacun de nous le besoin d’arriver à évaluer pour pouvoir en quelque sorte maîtriser la situation : c’est la fonction cognitive.
Mais connaître les stéréotypes et les préjugés, est-ce suffisant ?
Cependant, au niveau des apprentissages interculturels, connaître les stéréotypes et combattre les préjugés peut se révéler insuffisant pour améliorer la compréhension interculturelle. La relation à l’autre est infiniment complexe et d’autres freins peuvent surgir entre l’autre et soi. Ainsi, lorsque la confrontation à l’autre entre en contradiction totale avec les éléments les plus profonds de notre identité et de nos valeurs, elle risque d’engendrer des réactions de rejet et d’intolérance. C’est parfois le cas, par exemple, pour les tziganes en Allemagne ou les Roumains en France qui, pratiquant la mendicité, sont très mal admis dans ces deux pays qui jugent ce comportement comme choquant et immoral. L’altérité heurte ici les valeurs les plus profondes, constitutives de l’identité propre et profondément intégrées au mode de la pensée occidentale. Il y aurait donc comme un "seuil de tolérance" au-delà duquel la différence devient difficile à supporter. Quoique cette notion de "seuil de tolérance" soit parfois critiquée par certains militants qui craignent qu’elle ne favorise des thèses racistes, l’expérience du voisinage et des difficultés qu’il entraîne en est une illustration.