le truc du free-jazz, c'est que tu vas avoir plein de définitions différentes selon les personnes avec qui tu discutes... Tout le monde s'accorde plus ou moins pour dire que ça commence en 1958/59 avec Something Else d'Ornette et Looking Ahead de Cecil Taylor, mais pour la suite c'est un peu chacun comme il veut...
Certains par exemple vont y inclure Dolphy, ce que personnellement je trouve difficile à admettre (même si Dolphy participe à l'album Free jazz! (a collective improvisation) d'Ornette en 1960, mais ses disques perso gardent quand même l'empreinte du bop, même si ça va très au-delà); pareil pour le dernier Coltrane, d'aucuns le classeront dans le free jazz d'autres non (je pense perso qu'Ascension, qui inclut deux des plus fines "gâchettes" du free en la personne d'Archie Shepp et Pharoah Sanders, a quand même beaucoup à voir avec le free, sans en être totalement, et le monumental Live in Japan, un disque amha tout simplement indispensable, est "free" entre chacun des ses retours aux thèmes, qui peuvent être espacés d'une heure
Perso, déformation d'historien oblige, j'ai tendance à distinguer cette partie du free-jazz qui à l'origine était ancrée dans le mouvement de libération noir, et axé sur sa frange dure (les Black Panthers plutôt que MLK, pour faire vite); ça inclue autant Ornette et C. taylor que l'Art Ensemble of Chicago, Max Roach ou Sun Ra, et dans une moindre mesure Ayler, qui à ma connaissance n'a jamais été très politisé, à la différences des autres (mais l'époque voulait ça aussi). Ça se sent dans la volonté "africaniste" qui inspire beaucoup des sons de ce moment du free, en particulier chez max roach
Attention quand même aux clichés souvent véhiculés (on se demande par qui...) d'un free-jazz "raciste anti-blancs": sur l'album étendard et éponyme d'Ornette en 1960, les deux contrebassistes sont blancs... (Charlie Haden et Scott LaFaro, vous en voulez du bassiste free qui déchire sa maman? Ben les deux-là, y'a rien à jeter
)
Après, sorti de ce contexte et via son influence sur la musique européenne, où les thématiques sociales et politiques sont à l'époque peu pertinentes, c'est surtout la liberté formelle du free-jazz qui va séduire les musiciens, avec un mouvement qui se développe en Allemagne autour de Brötzmann et Jörgensmann, ou encore en Angleterre avec Bailey, pis plein que je connais mal un peu partout; la forme "européenne" a très tôt des accointances avec la musique "savante" contemporaine, ce qui se développe plutôt de façon secondaire aux States (où le Third Stream s'est développé parallèlement au free, même si Dolphy y a contribué un temps).
Aujourd'hui on tend à qualifier (à tort à mon sens) de "free jazz" tout ce qui donne une grosse part à l'impro hors du système tonal, au point que des gens comme Zorn, ou encore Tim Berne ou Marc Ducret (et a fortiori leurs collaborations, comme Big Satan pour les deux derniers) se voient souvent qualifiées de Free Jazz, ce qui pourrait se discuter (le retour au thème reste un élément structurant de leur musique, à la différence du free "pur" à la Taylor, entre autres choses)
... my two cents, histoire de faire des phrases (hein sam
), et un point de vue que probablement personne ne partagera, c'est ça qui est bien
(ouvre tes oreilles, c'est la seule chose qui compte in fine )