... Ca a commencé ce matin, quand la vision de mon classeur de baluche sur le pupitre m'a donné envie de me recoucher. J'me suis dit: "Sébu, faut que tu révises le medley Créole pourtant"!! Et non, rien, pas envie...
Ensuite je me connecte sur facebook et je vois les potes qui mettent en ligne leurs dates de concert: groupes de reprises, duo de reprises, orchestres de bal, encore un groupe de reprises... Ca y est je commence à chialer devant l'écran sans savoir pourquoi. Sans doute parce que je sais que vivre de reprises, c'est le Mal.
J'allume la télé et là je tombe sur un clip d'Obispo où mon pote Olive joue les claviers; je me demande si j'aimerais être à sa place, déguisé en ninja-manga-samouraïflower-cheveux en pétard et jouer en playback dans des clips foireux, faire tous les Zenith de France en se tapant tous les soirs "luciiiile, luciiile c'est moi"... Et je me rends compte que j'en ai rien à foutre d'accompagner les artistes de variétoche, tout confort-argent-trip soi-il... j'ai la tristesse de constater que je ne suis même pas jaloux.
Je me rabats sur la "musicale" de canal, et là des mecs font du rock en bougeant la tête et en sautant: y zont au moins 35 piges, ils sautent en jouant de leur instrument sans faire de pain... Waou, putain de projet de vie ça.
Quand je me projette dans la musique, je pense Jurassik funk, jazz, Wabash, Velvet Underground, Joni Mitchell... Tout ce qui ne se vend pas, ne s'écoute plus, pas dans cette vie, pas dans ce pays.
Je suis atteint d'intégrité aigüe, je sais pas si je vais m'en sortir les copains. Je renonce au statut d'intermittent, j'arrête tout. Les reprises, le baloche, la course aux cachetons, les remplacements de 24H comptées 12... Je tire ma révérence.
Pourquoi je confis ces états d'âme ici? Parce que la musique est un partage, les bonnes choses comme les moins bonnes. Je ne cherche pas de réconfort j'ai des amis et une famille pour ça, c'est juste le désir d'évoquer ce métier dans sa difficulté, avec les doutes et les remises en question.
Et accessoirement de soulever la question de l'intégrité, en musique et en général. L'intégrité dans son métier, choisir entre ça et une forme de galvaudage au nom de la sécurité (financière notamment).
Intégrité ou Sécurité? Mais qui veut encore être musicien professionnel aujourd'hui dans ce contexte de sous-culture intense?
Je veux créer, et je crée, mais quel en est le prix? Tourner avec Jurassik, impossible. Avec Wabash, exclu!!
Ecrire des chansons... A qui les vendre si tu ne fais pas partie du Sérail?
C'est pourtant la seule chose que j'ai envie de faire, et je le fais tous les jours. Transformation du musicien en rat de laboratoire-cubase-carte son- PC-basse-arrangements-copains qui font les séances gratos, pour des albums que personne n'achète plus.
Certains d'entre-vous me répondront qu'ils arrivent à vivre de leur création, et je dis bravo. Mais vous habitez où? Laissez-moi deviner... Paris.
Vite l'amateurisme les gars, gardez vos jobs, soyez traders, faites vous du blé par tous les moyens et gardez la musique pour le loisir, et dans son intégrité.
Amen
P.S. : demain ça ira mieux, j'ai dû donner trop de cours aujourd'hui!!