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Musique Indienne - Théorie

Publié par le
08/05/2006
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Ce blog s'adresse a ceux qui veulent découvrir les bases de la musique Indienne et Pakistanaise.
Je ne prétends pas être expert, tout au plus un amateur qui aimerait pousser quelques personnes à s'intéresser à cette musique si différente à nos oreilles occidentales.
Je rajouterai des post plus détaillés au fil du temps.

L'interêt justement d'étudier d'autres cultures musicales est de découvrir quelle est la part d'universalité et celle de l'arbitraire dans la musique occidentale.

La musique Indienne est caractérisée par les notions de Raga et de Tala (correspondant grossièrement aux gammes et rythmes). Elle est généralement improvisée mais la structure est stricte, avec différentes phases qui s'enchaînent dans un ordre déterminé.

RAGA
Le Raga est en première approximation la "gamme" dans laquelle un morceau est joué. C'est à dire qu'il correspond aux notes qui sont "permises". Mais la notion de Raga est beaucoup plus riche qu'une simple gamme, puisque le choix d'un Raga détermine aussi :
- l'ordre dans lequel les notes doivent être jouées (et cet ordre est à priori différent à la montée et à la descente)



- la fréquence avec laquelle les notes doivent apparaître au cours de l'interprétation
- certaines phrases musicales typiques, et d'autres phrases à éviter absolument.
On voit donc qu'une même gamme (dans le sens occidental du terme) peut donner un grand nombre de Ragas différents. On peut ajouter que traditionnellement un Raga est associé à un moment de la journée ou une saison, et à une émotion particulière que l'interprète s'efforce de transmettre.

Les Ragas sont homologues à des gammes pentatoniques (audava), hexatoniques (shaadava) ou heptatoniques (sampoorna).
Le mode de référence correspond au mode Ionien en musique occidentale. Dans un mode à 7 notes donné, les notes 2, 3, 6, 7 existent sous forme pure (shuddha) ou bémol (komal, noté par un soulignement), et la note 4 sous forme dièse (tivra, noté par une barre superposée). On retrouve ainsi les 12 notes de la gamme chromatique.
Une différence majeure entre musique occidentale et indienne est que les notes sont nommées en fonction de leur position dans le mode choisi, et non pas en fonction de leur fréquence réelle. La tonale s'appelle ainsi toujours "Sa".

La gamme Do majeure occidentale : Do-Ré-Mi-Fa-Sol-La-Si-Do correspond donc à Sa-Re-Ga-Ma-Pa-Dha-Ni (notez que l'on ne répète pas le "Sa" à l'octave). Et comme le "Sa" correspond toujours à la tonale, toutes les gammes majeures correspondent en fait à Sa-Re-Ga-Ma-Pa-Dha-Ni.

Pour la gamme chromatique, on a les correspondances suivantes (exemple de la gamme chromatique de Mi) :

                              Mi = Sa
                              Fa = Re
                              Fa# = Re
                              Sol = Ga
                              Sol# = Ga
                              La = Ma
                              Sib = Ma
                              Si = Pa
                              Do = Dha
                              Do# = Dha
                              Re = Ni
                              Mib = Ni

TALA
Le Tala est la structure rythmique sur laquelle un Raga est joué.
Le rythme est habituellement joué par le tabla : un double tambour accordé sur la tonale du Raga et réputé être un des instruments les plus difficiles à maîtriser. La variété des frappes (avec un doigt, ou la main entière, frappe sonore ou "étouffée", en divers endroits de la peau...) permet d'obtenir des dizaines de sons différents. Le tambour droit seul est accordé, le gauche fournit des basses très "expressives" grâce à la pression variable du poignet sur la peau.
Le placement des doigts ou du poignet sur les noeuds de résonance de la peau permet de faire sortir certaines harmoniques.

Tabla (le marteau sert à l'accordage, et non à jouer) 
Tabla (le marteau sert à l'accordage, et non à jouer)

Tout comme le Raga est plus qu'une simple gamme, le Tala est bien plus qu'un simple rythme. Le choix d'un Tala détermine quelles sont les frappes autorisées au joueur de tabla. De plus, la vitesse d'execution est variable au cours d'une interprétation, mais la gamme de variation de la vitesse est spécifique à chaque Tala.
Un Tala est constitué par un motif rythmique qui se répète, et par des phases d'improvisation respectant la structure et les règles spécifiques à ce Tala. La structure rythmique est parfois excessivement complexe et très difficile à comprendre aux premières écoutes. Elle s'organise en cycles imbriqués les uns dans les autres.


Exemple de Tala : Tintal (les mots correspondent aux noms des frappes à effectuer au tabla).
Tintal est un cycle à 4x4=16 temps.

Le premier temps du cycle, noté avec un "x" dans la figure ci-dessus, est appelé "Sam".
Chaque "mesure" a des temps forts et des temps faibles, et au sein d'un cyle certaines mesures sont accentuées par des frappes plus sonores au tabla ; le premier temps de la mesure est noté avec un chiffre au dessus (2 et 3 pour la deuxième et la quatrième mesure dans la figure ci-dessus). Au contraire, d'autres mesures sont dites "vides" (khali), les frappes du tabla sont étouffées ; un "0" est noté sur le premier temps (mesure 3 de l'exemple ci-dessus).
Les premiers temps des mesures sont parfois marqués par un claquement de mains, sauf pour les mesures "vides".
On a ainsi une structure "fractale", avec des mesures constituées de temps "vides" et de temps accentués, et des cycles constitués de mesures "vides" et de mesures accentuées. On retrouve ensuite cette structure à une échelle plus grande encore, avec des alternances de cycles plus ou moins accentués.
Les mesures composant un cycle n'ont pas nécessairement la même durée. Ainsi, le Tala "Jhaptal" est composé de 2+3+2+3=10 temps.

Cette conception du temps qui s'écoule de façon cyclique est caractéristique de la culture indienne (pas seulement de la musique), et très différente de notre temps "linéaire".
De même, le tempo varie non seulement au cours du morceau entre les différentes phases, mais aussi au sein d'un cycle isolé. Les musiciens ont tendance à accélerer à la fin du cycle jusqu'au retour du "Sam" du cycle suivant, le tempo retournant à la normale.

On peut remarquer aussi que les successions de temps et mesures accentués et vides ne se font pas avec une régularité parfaite, et les anticipations ou retards sont fréquents. Par exemple, il est courant de commencer à utiliser des frappes accentuées avant la fin d'une mesure censée être vide et précédent une mesure accentuée. A l'inverse dans l'exemple de Tintal ci-dessus, on voit qu'une frappe accentuée (Dha) est jouée au premier temps de la mesure "vide", et qu'une frappe faible (Na) est jouée au premier temps de la mesure suivante.

"Si tu peux le chanter, tu peux le jouer..."
L'apprentissage du tabla se fait par la récitation à haute voix ou dans la tête de phrases rythmiques composées des noms des frappes (ex : Dha Ge Na Tin Na Ke Tin Na ...) qui permettent de vraiment "sentir" le rythme dans son corps. En Inde, les jeunes apprentis joueurs de tabla ne travaillent d'ailleurs que la récitation pendant un an ou plus avant de toucher réellement à l'instrument.
L'association d'un mot à une action permet de jouer avec précision des phrases complexes, et on peut aussi utiliser ce principe pour l'apprentissage de la basse : certaines unités rythmiques (ex : double croche - croche - double croche ...) difficiles à réaliser au début deviennent naturelles quand on apprend à "chanter" le rythme.

STRUCTURE (Musique classique Indienne)
L'interprétation d'un Raga est structurée en différentes phases appelées Alap, Jod et Jhala pour la musique classique indienne.
Alap:
Pendant cette phase, qui dure de plusieurs minutes à plusieurs heures (!), l'instrument principal joue sans support rythmique. Il présente les différentes notes de façon très progressive.
Jod:
Les percussions sont introduites dans cette phase. L'instrument principal utilise peu à peu toute sa tessiture, accédant à des octaves qui n'étaient pas utilisées dans l'Alap. Le rythme augmente petit à petit.
Jhala:
Le rythme devient très rapide et le jeu intense, jusqu'à atteindre un climax. La fin arrive de façon très brutale.

QAWWALI
Le Qawwali est la musique dévotionnelle des mystiques musulmans Soufis du Pakistan et du Nord de l'Inde. Les chants sont soit dédiés à Allah (Hamd), soit des chants profanes (ghazal). Cette tradition remonte à plus de 700 ans.
Lors des performances, 4 ou 5 hommes marquent un rythme simple en claquant des mains. Un homme joue du tabla, 2 jouent de l'harmonium et font les choeurs pour accompagner le chanteur principal.
Ce genre musical a été popularisé par Nusrat Fateh Ali Khan (1948-1997). Issu d'une famille de musiciens sur plusieurs générations (depuis 600 ans), c'est lui qui a défini la forme moderne du Qawwali en introduisant de nouveaux thèmes et pratiques, comme le "sargam" : improvisation sans paroles, les notes seules (Sa-Re-Ga...) étant chantées.
Il a aussi changé le format des chansons, passant de plusieurs heures à quelques dizaines de minutes. En effet, dans la pratique traditionnelle les chants pouvaient durer une journée entière, l'objectif étant d'atteindre l'extase (les Soufis cherchent à rentrer en contact avec Dieu en atteignant l'extase par la musique (Qawwali), la danse (Derviches tourneurs) ou toute autre pratique).
Le père de Nusrat Fateh Ali Khan était connu pour chanter pendant des heures avec une intensité telle qu'il devait se reposer pendant plusieurs jours ensuite.

ARTISTES
Inde
Ravi Shankar (Sitar) : popularisé grâce aux Beatles, père de Norah Jones
Hariprasad Chaurasia (flûte Bansouri)
Zakir Hussain (Tabla)
Pakistan (qawwali)
Nusrat Fateh Ali Khan (chant - le maître du Qawwali) : une vraie légende, peut-être plus grande voix de tous les temps
Rahat Nusrat Fateh Ali Khan : le neveu du précédent
Faiz Ali Faiz

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